Ma
réaction à propos d'un article sur "Tous à poil !"
«
Les idées creuses, la faiblesse d'inspiration, l'indigence
culturelle, les clichés narratifs, la paresse intellectuelle, le
travail bâclé, la laideur et la vulgarité, font partie des
rencontres possibles et fréquentes dans les pages de la littérature
de jeunesse ».
Et
alors ? On rencontre aussi cela dans la vie de tous les jours, depuis
les idées creuses jusqu'aux pensées les plus laides et les plus
insanes. C'est la (peu) glorieuse incertitude de l'humain.
Je
ne nie pas non plus que la littérature jeunesse et les manuels
scolaires puissent être un terrain de grandes manœuvres
politiques.
Et
alors ? À chacun de nous d'apprendre, et d'apprendre à ses élèves
ou enfants, à décrypter les intentions, et à ne se laisser
influencer qu'en connaissance de cause. C'est ainsi que l'on forme
des citoyens éclairés.
Ce
qui me dérange dans cet article, comme dans l'ensemble du tapage
autour de « Tous à poil ! » (livre sans intérêt à
mes yeux), c'est qu'il présuppose exactement l'inverse.
On
y perçoit en filigrane l'idée trop répandue qu'on ne peut pas
faire confiance aux lecteurs – en l'occurrence, aux enseignants et
aux parents – pour choisir de lire ou de faire lire un ouvrage, ou
pour aider un enfant à lire en prenant le recul parfois nécessaire
; l'idée qu'il faut absolument, sous peine de laisser la société
courir étourdiment vers d'insondables catastrophes, protéger le bon
peuple de lui-même, guider ses moindres décisions, lui tenir
constamment la main.
Cette
dérive est à l’œuvre partout, dans tous les domaines. Dormez
tranquilles, bonnes gens, on veille sur vous. On vous épargnera tout
tâtonnement, erreur, déception – et du même coup, toute
découverte heureuse, expérience inattendue. Vous ne mangerez ni ne
lirez plus que des produits dûment approuvés par Ceux Qui Savent.
Et tant pis pour vous si vous n'êtes pas d'accord avec eux : c'est
signe, sans aucun doute, que vous êtes « une mauvaise machine »,
comme dans la phrase-culte de Midnight Express : un être qui pense
par lui-même au lieu de souhaiter que l'on pense pour lui.
Moi,
c'est dans cette situation-là, privée de mon libre- arbitre, que je
me sentirais vraiment « à poil »...
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