Aujourd'hui,
nous avons l'impression que le raz-de-marée de l'autoédition et de
la blogosphère littéraire est un mouvement éternel et inarrêtable,
parce qu'il se confond avec le numérique, promis à un avenir
radieux ;
parce
qu'il est soutenu par tous ceux : plateformes, prestataires de
services et utilisateurs, qui en tirent profit ou avantage et le
stimulent activement en retour ;
et
parce que, tout simplement, on a envie d'y croire.
Mais
les réalités ont pour triste habitude d'étouffer les rêves, et
aussi bien l'autoédition que la blogo littéraire n'ont
malheureusement aucune chance, en l'état actuel des choses, de
changer le monde, même si elles peuvent – et doivent –
contribuer à faire émerger de nouveaux modèles.
Et
la réalité, c'est que cet élan si grisant est en train de se
transformer en ghetto, sous l'étiquette duquel seront enfermés
pêle-mêle des auteurs et des blogueurs aux objectifs très
différents.
Je
m'apprête à provoquer un tollé, mais ça m'est égal. Je suis
mortelle, sûrement à beaucoup plus court terme que mes amis
facebook (du moins, je l'espère pour eux). Je chéris les grandes
communautés fraternelles, mais je ne recherche pas l'approbation à
tout prix et je ne suis pas une fan de consensus mou.
Ceux
qui songeraient déjà à me faire un procès en élitisme perdraient
leur temps. L'élitisme, au sens d'un cénacle de privilégiés se
faisant la courte-échelle et méprisant le reste du monde, on l'a
déjà, hélas, dans l'édition traditionnelle et les cercles
d'intellectuels parisiens. Alors, non, merci bien !
J'aime
sans a priori quiconque est passionné de lecture et d'écriture. Je
connais des centaines de blogueurs qui ne seront jamais critiques
littéraires, mais dont la passion force le respect. J'ai une cousine
dyslexique qui écrit avec une faute par mot des poèmes pétris de
sensibilité. Et j'ai découvert cà et là, sous les épines d'une
syntaxe hasardeuse, des textes que je considère personnellement
comme des chefs-d’œuvres.
Tout
le monde n'est pas, comme moi, amateur de figues de Barbarie, dont la
chair délectable se dissimule sous des piquants. Moyennant quoi,
notre monde indépendant, libre et fécond d'auteurs autoédités et
de blogueurs littéraires, qui s'étend de façon exponentielle en
nombre et en diversité, pour le meilleur et pour le pire, suscite
actuellement une mauvaise opinion globale dans le reste du monde du
livre : lecteurs exigeants, libraires, médias et bien sûr
éditeurs, que tant d'entre vous rêvent de séduire (même si je me
demande vraiment pourquoi).
Or,
il est illusoire de vouloir entraîner tout le monde vers le haut pour améliorer
notre image, certains
n'en voyant pas du tout l'intérêt, ou tirant la couverture à eux,
ou se rebellant par principe à l'idée de « l'élitisme »
susdit ;
sans
compter qu'il serait impossible d'aider tous les volontaires à
améliorer leurs écrits ou leurs blogs, faute de moyens pour le
faire (même si j'aimerais énormément qu'un système de parrainage
y contribue).
J'oserai
donc une conclusion qui va faire sauter beaucoup d'entre vous au
plafond : je ne crois pas qu'il faille s'acharner à tout
enfermer ensemble dans les ghettos de l'autoédition et de la blogo
littéraire, sans aucune espèce de différenciation ; autrement
dit, qu'il faille mélanger les torchons et les serviettes.
Vite,
je m'explique avant d'être lynchée :
Les
torchons, ce sont les auteurs exigeants envers eux-mêmes qui, en
proposant des textes à la fois talentueux et aboutis, ne cessent
d'essuyer les plâtres de l'autoédition. Et essuient du même coup
les crachats du monde du livre, puisque, perdus dans la masse, ils se
trouvent dévalués avec elle par les méprisants évoqués plus
haut.
Or,
ces auteurs sont nos éclaireurs, nos héraults, ceux qui pourraient,
au bénéfice de tous, faire changer d'avis les méprisants. Parce
que lorsqu'un journaliste, éditeur ou libraire pêche l'une de ces
perles étiquetées « autoédition », c'est une chance
supplémentaire pour qu'il accepte de jeter un regard moins définitif
sur les figues de Barbarie.
Les
torchons, ce sont aussi les blogueurs qui « torchent »
inlassablement des chroniques impeccables, pertinentes, originales,
et qui par leur rigueur, leur compétence, n'ont rien à envier à un
critique littéraire institutionnel.
Les
serviettes, ce sont les auteurs et blogueurs amateurs, au sens noble
du terme : ceux qui partent en écriture ou en lecture comme à
un joyeux pique-nique, semant sur le Net des textes résolument
inaboutis, au destin aussi fragile que celui de mouchoirs en papier -
mais qui sont nécessaires et même précieux, parce que pouvoir
jeter ses émotions sur le papier, fût-il numérique, tout être
humain en a besoin : c'est une passion viscérale, un exutoire,
une thérapie, un exercice de vie, parfois de survie - et, de mon
point de vue forcément partial, la plus belle façon de communiquer
entre mortels.
Alors,
si nous voulons que cette multitude puisse continuer à s'exprimer, à
communiquer, à produire une prose libertaire et décomplexée,
évitons de condamner au ghetto tout le système de l'autoédition et
de la blogo littéraire. Ce serait envoyer dans le mur nos espoirs de
changer le monde.
Envoyons
plutôt les torchons au feu en les mettant en évidence, en les
utilisant comme étendards, au lieu de les laisser sombrer, avec ou sans espoir de repêchage, dans la
grande lessive de l'anonymat.
Voilà
pourquoi, mes ami(e)s, au lieu de travailler à ma prochaine
publication sur Amazon, j'ai créé ce matin deux groupes facebook
supplémentaires :
LES BLOGUEURS DIFFICILES : il est ici
LES AUTEURS
DIFFÉRENTS : il est là
Ces
groupes seront cogérés par plusieurs administrateurs, au cas où
je ne serais plus en état de m'en occuper.
N'importe
qui pourra adhérer à l'un ou à l'autre, pourvu qu'il/elle soit
blogueur littéraire ou auteur autoédité ;
que
ses chroniques/ouvrages, quel que soit leur genre, soient aboutis (correctement écrits et
présentés) ;
qu'il/elle
ait un objectif d'excellence (non, ce n'est pas élitiste ! il s'agit simplement d'exigence envers soi-même) ;
et,
concernant les blogueurs littéraires, qu'il/elle soit en quête de
lectures peu banales.
Car, comme en matière d'écrits, un zeste
d'originalité, voire de transgression sera le bienvenu, au même titre que le classicisme le plus pur.
Enfin,
les auteurs qui ne maîtrisent pas encore complètement leur prose ou sa mise en forme, mais sont désireux de s'améliorer, seront les bienvenus si
un membre du groupe est disposé à les parrainer, éventuellement les
aider à s'améliorer ; et à la condition de ne pas y faire la promo de
leurs ouvrages avant que ceux-ci ne soient parvenus à l'état
d'achèvement.
De même pour les blogueurs/blogueuses qui n'auront pas encore parachevé leur blog.
Que
tous ceux et celles qui se retrouveront dans ces définitions
s'unissent, s'entraident, s'épanouissent au sein des deux groupes,
hors de tout intérêt matériel ou manifestation d'ego.
Juste
afin d'essayer de changer leur propre monde. Pour commencer.
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