Nicholas
Maire a publié il y a peu un article bien senti sur les raisons qui
peuvent pousser un auteur à choisir de passer par un éditeur.
Tout
le monde sait que ce n'est pas mon choix ; je l'ai assez
claironné par monts et par vaux. Mais Nicholas aligne des arguments
tout ce qu'il y a de plus sensés.
J'ai
toujours dit que signer avec une petite maison de qualité,
respectueuse de ses auteurs, est en général une expérience très
positive. J'ai vécu cela avec bonheur, trop brièvement hélas,
puisque mon éditeur a cessé son activité pour raisons de santé
peu après la sortie d'Élie et l'Apocalypse. Reste malgré tout un
très bon souvenir.
Alors,
me direz-vous : « se faire éditer (ou essayer, en tout
cas) ? S'autoéditer ? Faudrait tout de même être
cohérente, cocotte ! »
Vous
savez ce qu'elle vous dit, Cocotte ?... Eh bien, comme d'hab, elle
va vous administrer une analyse complète de la situation. Ne vous
plaignez pas, ce n'est tout de même pas un clystère au piment de
Cayenne.
Une fois de plus, je vais dire tout haut des choses désagréables, illustrées d'image provocatrices, mais ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer !
De mon point de vue, il n'y a que 4 catégories d'auteurs qui doivent à coup sûr préférer l'autoédition :

Vous
me rétorquerez que dans l'édition tradi, ils peuvent carrément
faire écrire leurs livres par des nègres (ça s'appelle ainsi, n'y
voyez nulle offense) pendant qu'eux-mêmes s'en vont paresser sous les cocotiers. Mais je ne m'attarderai pas sur cette
allégation, certainement inspirée par la plus basse jalousie,
n'est-il pas ? :-D
Concluons plutôt que l'autoédition est un pari « tout bénef » pour cette
catégorie-là, de plus en plus nombreuse – au moins pour
l'exploitation numérique ; mais l'autoédition pure et dure
gagne du terrain, suivant comme toujours l'exemple américain.
2
- Les auteurs aguerris qui ont envie de voler de leurs propres ailes
pour publier ce que les éditeurs jugent trop ceci ou pas assez cela.
C'est
le cas de votre humble servante. Ben oui, j'en ai eu ras la casquette
de m'entendre dire que j'écris très bien pour les autres, mais qu'à
titre personnel je ne fais pas assez grand public ; que je
devrais pondre des trucs plus longs, ou plus courts, ou plus
consensuels, ou au contraire plus scandaleux. Ou, tiens, pourquoi
pas, écrire un guide de voyages ? Là, je déforme un peu :
il s'agit en fait d'un petit contentieux que j'ai avec Philippe
Sollers et le regretté Michel Tournier. Je vous raconterai, promis.

3 - Les auteurs-entrepreneurs, qui aiment tout maîtriser de bout en bout – titre, couverture, promotion, sans qu'on leur impose ce qu'ils n'approuveraient pas forcément.
Ou,
plus simplement, par plaisir de tout faire par eux-mêmes.
J'avoue
éprouver une grande délectation à bricoler toute seule mes petites
couvertures pourries, plutôt que laisser ce choix à l'Éditeur
Tout-Puissant.

Mais
l'on peut aussi se retrouver avec une couv encore plus naze que les
miennes (rappel, pour que vous puissiez bien vous rouler par terre :
je les réalise sur traitement de texte, puis je les formate en .jpg
via une copie d'écran. Oui, c'est affligeant. J'assume).
On
peut hériter d'une couv pire, disais-je. Si, si ! les exemples abondent. Les
Éditeurs Tout-Puissants ne sont pas toujours infaillibles. Je
pourrais citer des centaines de couv calamiteuses. Disons que j'ai
été particulièrement frappée, traumatisée même, par l'édition
Pocket de La Roue du Temps, volume 7 La montée des orages. Rand Al'Thor, le beau héros, y ressemble à Hulk croisé avec la Gorgone Méduse,
et son visage exprime avec réalisme ce que l'on doit ressentir en
soulevant une épée de 10 tonnes branchée sur le 380 V, tout en se faisant
bêtement coincer les joyeuses dans un piège à loup. Avec peut-être
une petite hernie discale en prime... Vous voulez voir ? Allez, cadeau !

Ceux-là
sont la justification morale de l'autoédition, parce qu'elle donne
sa chance à tout le monde, c'est cool ! Ils sont aussi son gros
problème, parce que c'est cet océan de textes impubliables, mais
autopubliés quand même, qui vaut à l'autoédition son exécrable
réputation. L'image vous choque ? Dites-vous que c'est comme cela que nous sommes perçus.
C'est seulement aux auteurs des trois dernières catégories (ceux de la première n'ont que faire de mes conseils, je dois le reconnaître), que je recommande de s'autoéditer – ou s'autopublier, parce que le travail éditorial ne s'improvise pas, et que beaucoup se contentent de publier : mettre en ligne.
Concernant
les auteurs aguerris et les auteurs à vocation entrepreneuriale (ce
sont parfois les mêmes), l'encouragement à s'autoéditer va de soi.
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Hélas ! |
Tant
pis si l'engorgement des réseaux avec des écrits illisibles nuit à
tout le monde, provoque les quolibets de l'édition, des libraires,
des médias et des lecteurs exigeants, déshabitue le grand public de
la bonne littérature (puisqu'il trouve aisément à se repaître
d'histoires plus ou moins distrayantes pour pas un rond), et enfin,
représente un casse-tête pour les auteurs, disons de qualité pro,
qui se savent plus comment rendre leur petite perle visible dans cet
immense océan. Ben oui, c'est le revers de la médaille.
Je viens de violer là une véritable omerta. L'approche officielle, c'est qu'on respecte tout le monde (encore heureux), et que tout le monde a le droit de
s'exprimer... Mais comme je le répète au risque de vous exaspérer, l'absence totale de catégorisation (qui pourrait bien la décréter, en l'absence de
verdict d'un Éditeur Tout-Puissant ? C'est insoluble) plombe
jusqu'à l'os le principe même de l'autopublication. Rassurez-vous, je ne vais pas recommencer à vous proposer des trucs et des machins pour y remédier. Comme je l'ai annoncé, je ferai ma petite liste perso comme si j'étais moi-même un Éditeur Tout-Puissant, ô sacrilège !
Revenons à nos moutons. À défaut de tri, quelle solution y aurait-il ?
De
nos jours, tout un chacun peut se déclarer auteur en jetant sur le
Net un premier jet mal ficelé. Cependant, c'est s'exposer, au mieux
à l'indifférence, au pire à d'acerbes critiques. Les commentaires,
sur les plateformes, ne sont pas tendres pour qui publie des livres
bourrés de fautes et de maladresses.
Certes,
on voit aussi des nanars innommables commentés avec enthousiasme...

-
Ou bien des commentaires de complaisance, de la part de camarades auteurs
soucieux d'un retour d'ascenseur. Ou de blog'litt qui ont pris un
auteur en sympathie, et qui, c'est leur droit le plus strict, ne se
soucient nullement de critique littéraire en règle. Mais comment
leur en vouloir ? Complaisance et copinage existent à tous les
niveaux, y compris dans l'édition.
-
Ou encore pire : un achat de commentaires. Commerce hautement
crapuleux, mais qui existe bel et bien. (Hélas. Comme je l'ai
enseigné à mes enfants, attendez-vous toujours au pire, vous serez
rarement déçus.)
Ces
phénomènes, malheureusement, stimulent l'indulgence actuelle à l'égard des écrits insoucieux de tout
style, réflexion ou documentation. Sans compter que l'on crie volontiers « haro sur
le littéraire », jugé élitiste et tout bonnement superflu
(mais ne vous illusionnez pas, amis auteurs de talent : sur ce point-là aussi, c'est pareil dans l'édition. Place au fast-book !)
En
font les frais, il faut bien le dire, les millions d'auteurs
autoproclamés qui n'ont aucun désir d'améliorer leur prose, mais
s'imaginent que le public tombé dessus par hasard pourra
réellement s'extasier. En ces temps de grande solitude, nous rêvons tous de rencontrer des âmes soeurs par ebook interposé. Ils s'écrieraient : "Mais oui ! nous nous comprenons !", nous l'écriraient, et cela nous mettrait enfin du baume au coeur. Las ! Ce que l'on récolte surtout à ce jeu-là, ce sont d'aigres invitations à se reconvertir dans la flûte à bec ou le macramé.
Alors...

Pour les autres, ceux qui se veulent auteurs de plein droit, mais manquent encore d'expérience, de recul, de discernement sur leurs textes, une seule voie : travailler sans relâche. Et demander des avis au-delà du cercle de famille. C'est l'objet de plusieurs des groupes facebook que j'ai créés, mais les autres solutions abondent, de l'efficace CoCyclics aux plateformes de publication/lecture, dont voici un bon aperçu, merci à Nouvelles Plumes (monBestSeller, qui permet de récolter des avis lecteurs et d'autres auteurs, n'y est pas cité malgré sa popularité) ; en passant par les innombrables groupes facebook d'échange de conseils entre auteurs, dont je donnerai prochainement une liste assez étoffée, sinon exhaustive.
Car il n'y a pas pire erreur que de publier en trois clics - c'est si facile -, juste parce qu'après avoir transpiré pour pondre sa prose, on est très content du résultat (sentiment bien naturel après un dur labeur), et que tata Louison s'est écriée "c'est absolument génial".
Vous êtes convaincu d'être allé au bout de vous-même, de ne pas pouvoir faire mieux ? Erreur ! Vous apprendrez qu'un écrit est perfectionnable à l'infini, et que sans aller jusque là, l'améliorer judicieusement ne pourra que vous rendre service.
Voilà, mes ami(e)s. Encore une fois, j'ai mis les pieds dans le plat en éclaboussant bien partout, signe probable que je commence à retomber en enfance. En tout cas, je vous ai dit les choses telles qu'elles se présentent, et tant pis si cela m'attire des inimités, même si j'en suis désolée par avance. C'est le privilège de l'âge et de l'expérience (le luxe, même) que de s'exposer à déplaire par amour de la franchise, en espérant que cela rendra au moins service à quelques-uns.
De quoi traitera ma
prochaine bafouille, je n'en sais fichtre rien : désormais, je
navigue à vue.