Il
y a quelques mois, j'ai créé un groupe secret pour tester un
concept de synergies éditoriales, idée qui pourrait profiter aux
petits auteurs autopubliés qui ne maîtrisent pas tous les aspects de
cette activité.
Ce
concept, j'ai beaucoup hésité à en parler publiquement. Lorsque je
l'avais soumis au très petit groupe de membres de Communauteurs, des
personnes que j'estime, je dois reconnaître qu'il avait plutôt
fait un flop.
Les
auteurs sont par définition des êtres solitaires, qui oeuvrent dans
leur coin. Et s'ils s'autoéditent, c'est souvent pour tout
contrôler, pour éviter qu'un éditeur ne se mêle de leurs
affaires.
Mais
parfois aussi, c'est au contraire faute d'avoir trouvé un éditeur.
Et dans ce cas, leur isolement se retourne contre eux : les
multiples casquettes qui incombent à l'auteur indépendant sont
alors un véritable calvaire.
Car,
que faut-il assumer quand on est indé ?
- L'écriture, cela va de soi.
- Les corrections : là, ça commence à se gâter. Un œil extérieur est toujours nécessaire pour traquer les coquilles, nous le savons tous.
- La mise en forme, qu'il s'agisse de format numérique ou imprimé : couverture, descriptif, mise en page, publication...Reconnaissons que très peu d'entre nous possèdent le savoir-faire correspondant ; et ceux qui le possèdent l'ont acquis au prix d'un long et pénible apprentissage, pendant lequel ils n'écrivaient pas !
- La promotion. Beaucoup d'entre nous détestent cela et ignorent complètement les possibilités qui s'offriraient à eux pour mettre leur œuvre en valeur – qu'il s'agisse de marketing, de simple promotion ou de publicité payante.
Le
concept de synergie éditoriale m'est venu à force de proposer à
des auteurs que j'apprécie mes services bénévoles de correction,
et de me retrouver parfois, un jour ou l'autre, à accepter en retour
un service technique quelconque.
C'est
une chose que beaucoup d'entre nous ont déjà vécue, de façon
spontanée et non organisée. On appelle cela l'entraide, et c'est un
aspect merveilleux de l'autoédition ; mais comme tout échange
de services, c'est flou, incertain, et donc peu sécurisant. Chacun
continue à publier dans son coin, avec pour la plupart, avouons-le,
une certaine frustration quant au manque de résultats (qu'il
s'agisse de ventes, ou simplement de qualité).
En
ce moment je suis obsédée par l'idée de mettre mes affaires en
ordre (sans aucune raison, je l'espère). J'ai donc décidé de
remettre cette idée sur le tapis. Je n'ai absolument pas l'intention
de m'en mêler, et d'ailleurs cela ne peut être mis en pratique que
par de très petits groupes d'auteurs se connaissant bien et s'estimant
réciproquement. Mais, qui sait, l'idée en inspirera peut-être
quelques-uns.
Bien
entendu, elle ne concerne pas les auteurs qui maîtrisent tous les
domaines liés à leur fonction d'indés, ou qui ont les moyens de
payer pour faire réaliser ce qu'ils ne savent pas gérer eux-mêmes :
ceux-là sont de véritables entrepreneurs, et n'ont besoin d'aucun
système D de partenariat pour prospérer.
Le
principe serait donc le suivant :
Pourquoi
ne pas recréer en très petit comité (c'est plus facile à gérer,
moins ambitieux que les projets, entrevus çà et là, de maison
d'édition regroupant des indés à grande échelle) des partenariats
reproduisant le principe d'une maison d'édition : la
spécialisation des tâches ?...
...Mais
avec, et ce serait la spécificité de cette organisation, une effet
de réciprocité qui permettrait à chacun des partenaires de ces
micro-associations d'exister en tant qu'auteur.
Autrement dit, faire un peu comme dans l'édition, mais en beaucoup mieux : à taille humaine, avec nos valeurs d'entraide et notre spécificité d'indés.
Dans
la pratique, il s'agirait de petites communautés d'intérêt
comprenant entre 2 et 4 ou 5 auteurs.
Chacun
aurait bien sûr sa propre idée de livre, dont il assumerait ou
aurait déjà assumé l'écriture.
Un
ou plusieurs des autres partenaires se chargeraient de la correction,
voire de la réécriture (il y a des histoires formidables qui
nécessitent un « travail éditorial » approfondi, comme
dans l'édition ; le contraire est même assez rare).
C'est
d'ailleurs là que le bât blesse : individualiste comme l'est
l'auteur indépendant, il préfère souvent publier un livre
imparfait, voué à l'échec, que de le laisser retoucher par un
autre. Alors même qu'une maison d'édition lui imposerait de faire
ce travail sous contrôle étroit, et très souvent, le ferait faire
par un tiers (Nila Kazar et moi, par exemple, avons pas mal oeuvré
en ce sens au cours de notre carrière d'écrivains).
Les
autres partenaires apporteraient leurs compétences respectives à la
réalisation de la couverture, à la mise en page, au marketing, et
se chargeraient de la promotion ; ils obtiendraient leur côté, en contrepartie, ce qu'ils sont le moins aptes à faire eux-mêmes.
Ainsi,
chacun ne ferait que ce qu'il sait faire le mieux (hormis la promo,
toujours collective pour une raison évidente : l'effet
démultiplié), mais bénéficierait des compétences de ses
partenaires dans tous les domaines qu'il ne maîtrise pas.
La tâche où l'avantage serait le plus évident pour tous est la promotion : il est clair qu'il est beaucoup plus efficace et plus crédible qu'un livre soit vanté par un tiers plutôt que par son propre auteur. Et si beaucoup d'entre nous répugnent à cet aspect de leur activité, c'est bien parce qu'on se sent ridicule et peu convaincant, à proclamer « Achetez mon livre, je vous assure qu'il est excellent ! ».
De
plus, comme je l'ai déjà dit, plusieurs personnes faisant la
promotion d'un même ouvrage obtiendraient de bien meilleurs
résultats que le seul auteur.
Il
serait indispensable, cela va de soi, que les auteurs apprécient une
œuvre dont ils feraient la promotion pour autrui ; il ne serait
pas question d'échanges de louanges de complaisance. Même si cela a bel et bien cours de façon tacite, par intérêt collectif bien
compris. Hé oui, pourquoi le nier ? La société toute entière
fonctionne ainsi. C'est précisément pourquoi j'aimerais que nous
autres indés, forts de notre esprit novateur et de notre espoir de
constituer un meilleur système, nous soyons capables de mettre en
œuvre des partenariats plus sincères et plus élaborés.
J'ajoute
enfin que lorsque chaque œuvre du duo ou du petit groupe d'auteurs a
fait l'objet d'un peaufinage et d'une présentation optimales, alors
il devient plus facile d'en parler avec enthousiasme.
Bien entendu, l'échange de services ne pourrait pas toujours être équitable. C'est pourquoi il pourrait être envisageable que les partenaires décident de partager les redevances des œuvres, formant ainsi une sorte de mini-coopérative.
Pour
oser suggérer pareille chose, je me fonde sur le principe
incontestable que « mieux vaut se partager les redevances d'un
livre s'étant donné les meilleures chances d'avoir du succès, que
de garder pour soi celles, encore plus maigres, d'un livre voué à
l'échec ».
Mais
naturellement, ce partage des redevances n'a rien d'une obligation.
On m'objectera que chacun fait mieux les choses pour lui-même que pour un tiers. Je ne suis pas d'accord. Non seulement mieux vaut confier à autrui ce que l'on ne maîtrise pas, mais si l'on sait mettre son orgueil de côté, l'on réalise qu'une intervention extérieure permet souvent une performance plus rapide et efficace - parce que dotée de recul, dépassionnée et exempte des doutes qui nous torturent lorsqu'il est question de notre œuvre, notre « bébé »...
Je
suis consciente, bien sûr, qu'il y aura toujours une majorité
d'auteurs pour préférer se débrouiller seuls, quitte à moins bien
réussir. Je le disais plus haut, nous sommes individualistes par
nature.
Mais
pour ceux qui, au contraire, aimeraient rompre leur solitude et
profiter des compétences d'autrui sans pour autant devoir
s'acquitter de prestations au-dessus de leurs moyens, ce type
d'arrangement serait peut-être une solution ; un moyen
convivial et fonctionnel de ne plus oeuvrer dans l'isolement, et une
chance de dépasser le plafond de verre – cette barrière invisible
subie par tous les autopubliés, très majoritaires, qui ne sont pas
des hommes (ou femmes)-orchestre aux compétences universelles.
Étant assez dépourvue d'illusions sur la nature humaine, je n'espère pas vraiment voir ce genre de synergies se développer. Cependant, rêver tout haut est une activité dont, jusqu'à mon dernier souffle, je ne me lasserai jamais.
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