Je ne pensais pas reprendre si tôt ma plume d'auteur-blogueur pour un nouvel article, mais suite au mini-débat qui a suivi ma chronique de "Bonbon", je souhaitais clarifier rapidement certaines de mes convictions.
Comme je ne désespère pas d'avoir un peu de temps aujourd'hui pour mes apéribooks en cours d'écriture, vous me pardonnerez de me contenter d'une synthèse de mes réponses au cours dudit débat.
Comme je ne désespère pas d'avoir un peu de temps aujourd'hui pour mes apéribooks en cours d'écriture, vous me pardonnerez de me contenter d'une synthèse de mes réponses au cours dudit débat.
Dans
ma chonique de "Bonbon", j'ai dit, fort et clair, que j'ai beaucoup
apprécié le style de l'auteur.
J'ai
dit aussi ce que le contenu m'inspire. Cet ouvrage véhicule,
volontairement ou non - mais l'auteur est sans aucun doute brillant,
donc pleinement responsable de ses propos -, une terrible image de la
femme et de ce qu'un homme peut en penser.
Je
ne confonds pas le narrateur et l'auteur, comme on me l'a reproché.
Dans le cas présent, j'ai déploré des phrases, une intrigue et une
ambiance qui vont dans le sens d'une piètre image de la femme.
Je
n'ai certes pas cherché à décortiquer chaque phrase pour y trouver
un sens ou un autre ; cette approche, disons, universitaire, de
la littérature n'est pas la mienne.
Mais
l'une de ces phrases, d'une violence inouïe, m'a choquée,
peut-être parce que j'ai tant entendu ce genre de propos... qui,
pour certains, vont de soi. Chacun
sa propre sensibilité, mais moi, cela m'a hérissée.
Le
problème, c'est qu'il n'y a rien dans ce court ouvrage qui vienne
contrebalancer le jugement de la fameuse phrase. A part les très
beaux passages exprimant l'amour de la mère. Mais c'est un grand
classique : la mère et une sainte, et toutes les autres femmes sont
des salopes. Le mot n'est pas moi, mais du narrateur.
Mettre
dans la bouche du héros l'affirmation que certaines femmes méritent
des yeux au beurre noir... que ce sont des salopes d'oser parler de
violences conjugales... et cela, sans que rien ne vienne le
contredire ou le "punir" ! Bon, le narrateur se
suicide à la fin du roman (je ne spoile pas, puisque l'auteur
l'annonce dès le début) ; mais justement, cela en fait la
"victime" de son amour pour une femme qu'il vient tout de
même de... brrr ! réminiscence d'un horrible fait divers !
Enfin,
ce sera au lecteur d'apprécier.
Je
n'accuse pas l'auteur de faire l'apologie du machisme. J'ai évoqué
des propos qui sous-tendent, ou cautionnent par défaut, une vision
révoltante des rapports homme-femme. Mais certaines d'entre nous
sont, à cet égard, plus tolérantes que d'autres. Je ne cache pas
mon militantisme dès qu'il est question de violences faites aux
femmes.
Les
mots ne sont pas anodins, aussi beaux soient-ils, aussi séduisante que soit leur musique. L'art n'excuse pas tout.
Je
suis très attachée à la liberté d'expression, par principe, et
aussi parce que l'être humain est faillible, et que se tromper
d'idées n'est pas un crime en soi.
Ainsi,
je déplore la condamnation pénale, dans le passé, d'auteurs qui
s'étaient fourvoyés en exprimant dans leur oeuvre des opinions parfois nauséabondes ; les purges qui se sont ensuivi ont privé la
littérature de quelques plumes remarquables. Sans compter que cette
pratique est la porte ouverte à la condamnation pour simple délit
d'opinion, plaie des sociétés répressives.
En
revanche, l'on ne peut tout excuser, sous prétexte d'art ou de
talent.
Alors
je trouve normal qu'un chroniqueur évoque le ou les messages
perceptibles dans les écrits, et que des débats publics sains et
ouverts examinent les éventuels errements des auteurs.
Je
ne dis pas que c'est le cas en l'espèce, que l'auteur de "Bonbon" fait
passer dans son roman ses opinions personnelles sur la femme ;
je dis que ce qu'il a écrit, beaucoup l'entendront ainsi, et en
seront peut-être influencés.
Les
mots sont des armes d'une incroyable puissance. Surtout quand ils
banalisent (pire : en l'ornant de fleurs) un angle de vue pour le moins discutable – assumé ou non par
l'auteur, peu importe ; je n'ai aucun moyen de le savoir, et ce n'est pas mon propos.
L'on
ne peut nier le pouvoir des livres sur leurs lecteurs, ni leur
responsabilité dans l'évolution ou la régression des idées et des
mentalités.
L'écrivain, surtout
s'il est talentueux, peut cautionner par mégarde des points de vue
répréhensibles.
Donc,
autant je trouve navant que l'on critique un livre parce que l'on
n'aime pas son genre ou son style, autant je trouve normal que l'on
analyse son contenu.
Sur facebook, certains
des commentateurs de mon article prônent, semble-t-il, l'absolution systématique de tout auteur concernant les propos qu'il
fait tenir à son narrateur.
Si
l'on pousse ce point de vue jusqu'à sa logique ultime, alors
félicitons-nous que Hiltler n'ait pas écrit, plutôt que Mein
Kampf, un merveilleux roman esquissant les mêmes idées monstrueuses avec le
charme subtil d'une plume poétique.
Non
que je compare l'auteur de "Bonbon" à Hitler, bien
entendu ! Cet exemple outré n'est qu'une provocation destinée à
montrer que oui, cent fois oui, l'auteur est responsable des idées
qu'il exprime ou fait exprimer à ses personnages.
Sauf
évidemment s'il prend soin de contrer ces idées dans le même
temps, ce que font la plupart des auteurs.
Ceux qui s'en abstiennent essuient des critiques, et c'est tout à fait normal....
Alors, censurer ces provocateurs, certes non. Mais qu'on ne prétende pas non plus censurer les chroniqueurs qui épinglent certains passages… C'est la moindre des choses, précisément au nom de la liberté d'expression.
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