Après des années d'observation dubitative, je me
suis lancée cette année dans le très médiatisé challenge du
NaNoWriMo. Allez hop ! À l'eau, ma poule…
Et je dois dire que
je m'en félicite. Non que je m'autocongratule de remplir mon
objectif quotidien ; en fait, je suis enchantée de m'être finalement donné ce grand coup de pied au c… roupion.
Le NaNo (pour les intimes 😉), c'est quoi ?
Un défi international (mais oui mais oui)
qui consiste à pondre au moins 50 000 mots entre le 1er et le 30
novembre.
Je ne vais pas vous faire un topo là-dessus, les
organisateurs et les participants chevronnés sont bien plus
compétents. Donc, direction :
Le site officiel, en anglais.
Le bog des Nanoteurs français, très convivial.
Le NaNo, en quoi est-ce que cela peut
aider ?
Premier cas : le mien (tant qu'à faire).
J'ai commencé à rédiger Élie et l'Apocalypse
en 2007. Mais comme c'est une saga qui exige un énorme travail
documentaire, et que je suis du genre perfectionniste qui tourne sept
fois sa phrase dans tous les sens avant de la laisser – provisoirement – tranquille, il
m'a fallu 5 ans pour publier (d'un coup) les 3 premiers volumes. Et
encore, parce que l'éditeur m'avait fouettée avec des orties. Oui
messieurs-dames. Même que je lui en suis éternellement
reconnaissante, et pourtant je ne suis pas maso. Non, je vous
assure ! Ne m'objectez pas qu'en ce moment, avec le NaNo, je
m'inflige avec enthousiasme ma dose quotidienne de coups de pied au
croupion. Ce n'est pas du masochisme, mais de l'intérêt bien compris.
Pourquoi ? Parce que ces coups de pied à répétition, ils
me permettent de prendre ENFIN un rythme de travail personnel, moi
qui ai toujours travaillé davantage pour les autres auteurs que pour moi. Me
consacrer chaque jour à mes écrits, ça n'allait pas du tout de soi.
En plus, vous le savez, je suis une vieille petite chose
maladive. Alors, si je savais m'atteler aux textes d'autrui – c'est
toujours plus facile de se bouger le croupion pour les autres – j'avais
un mal fou avec mes propres textes.
Du coup, j'attendais d'avoir la forme. Et là :
« tu peux toujours rêver, ma belle », me narguait mon
petit corps souffreteux en me sortant de son chapeau un beau vertige
bien glauque ou une petite pyélonéphrite de derrière les fagots.
Ou alors, j'attendais l'inspiration. Vous savez,
cet élan irrésistible qui vous fait sauter sur votre clavier :
« Là, maintenant, tout de suite, je vais écrire un
chef-d'œuvre. Oh, je le sens, je le sens bien ! Tu le sens, toi
aussi, chef-d'œuvre ? Dis-moi que tu viens. Oh oui,
dis-le-moi !… », etc. Vous connaissez ça, je l'espère
pour vous. Ben, pas moi. En littérature, j'entends. 😜
Les idées, OK, ça me vient à la pelle, surtout les
jours où je pète le feu (si, si, ça arrive). Mais l'inspiration
créatrice dans toute sa fougue juvénile, celle qui suppose une
vraie santé de cheval sur le long terme pour passer du concept à la
réalisation, bernique ! Il fallait toujours que j'espère
l'express de minuit, le miracle soudain d'une évasion de ma pauvre
carcasse : la tête libre, l'esprit clair, le corps alerte. Et
que je croise les doigts pour que ça dure. Sinon… eh bien, la
Cendrillon du clavier regagnait vite fait son lit de douleur – et
les trois misérables lignes péniblement gravées sur sa citrouille finissaient dans un dossier
« projet » parmi beaucoup trop d'autres.
Autrement dit, je faisais du surplace.
Le NaNo a changé ma vie. Le premier jour, j'ai
souffert, ah, combien j'ai souffert ! Mais comme je m'étais
lancé un défi à moi-même, et que pour bien me mettre le pied dans
les reins, je l'avais intrépidement annoncé sur facebook, pas le
choix : quand faut y aller, faut y aller.
Et c'est justement l'avantage n° 1 de ce
challenge : on est obligé de se mettre à sa table de travail
TOUS LES JOURS. Les excuses, ya pas. À l'assaut, les gars. Haut les cœurs ! Et ainsi
de suite. 💪
L'avantage n° 2, c'est qu'on s'aperçoit
que finalement, 1 666 mots par jour, c'est loin d'être
insurmontable. Même pour un escargot comme moi, affligé d'une tendance perverse à
ratiociner sur chaque tournure…
Pour tout vous dire, c'est même de
plus en plus facile.
Du coup, non seulement j'aurai bouclé le volume
5 avant la fin du mois, mais j'ai bien progressé sur le 6 (histoire
de varier les plaisirs) et je sais désormais que, sauf mort subite, j'aurai sans doute publié le 5 pour Noël et le 6 en début d'année prochaine. Hourrah !
L'avantage n° 3, c'est justement que l'on apprend à pondre un
premier jet sans barguigner.
Parce que, voyez-vous (et là, c'est vraiment personnel, désolée), quand on est
réécriveur, on est spécialisé dans la partie peaufinage. Par
conséquent, si l'on doit écrire pour soi, la partie rédaction relève
de la corvée suprême.
Les réécriveurs ne sont pas les seuls auteurs à connaître ce genre de blocage. Alors qu'on devrait jeter ses idées sur
l'écran, on se projette malgré soi dans ce que le texte devrait
être une fois achevé. On repolit ses phrases en leur faisant des
excuses pour les avoir si mal pondues au départ (Vous l'avez
remarqué, ce billet est placé sous le signe de la volaille. Il doit
y avoir une raison occulte ; je consulterai mon astrologue).
Bref, on n'avance pas et on se décourage, parce que tout ce qui
n'est pas abouti vous semble nul.
Le NaNo m'a permis de sortir de cette spirale négative.
Et je me suis enfin fourré dans le crâne qu'il n'y a pas de honte à rédiger un premier jet, même si par endroits il tient du brouillon. On ne trahit pas la Littérature avec un grand L, ni soi-même. Personne ne guette par-dessus notre épaule pour soupirer « Ben dis donc, poulette, là, tu ne t'es pas foulée ». Nul n'est tenu de rester sur sa copie jusqu'à ce qu'il n'en ait plus honte. Au contraire. Le but d'un premier jet, c'est ça et seulement ça : ALLER AU BOUT.
Le NaNo m'a permis de sortir de cette spirale négative.
Et je me suis enfin fourré dans le crâne qu'il n'y a pas de honte à rédiger un premier jet, même si par endroits il tient du brouillon. On ne trahit pas la Littérature avec un grand L, ni soi-même. Personne ne guette par-dessus notre épaule pour soupirer « Ben dis donc, poulette, là, tu ne t'es pas foulée ». Nul n'est tenu de rester sur sa copie jusqu'à ce qu'il n'en ait plus honte. Au contraire. Le but d'un premier jet, c'est ça et seulement ça : ALLER AU BOUT.
L'avantage n° 4, c'est que pondre un
premier jet, ça permet de boucler tout un ouvrage, au moins au
niveau préparatoire. Et là, bingo !
a) Voilà, paf, c'est fait. Aaaaahh ! (soupir
d'extase).
b) Vous avez écrit tout le roman d'une traite
(s'il fait plus de 50 000 mots, eh bien il suffit de continuer
sur sa lancée en décembre). Ce qui évite de devoir se relire, se
torturer les méninges ou fouiller dans ses notes pour se souvenir
que Cunégonde, au chapitre 3, elle avait déjà coulé Enguerrand
dans le béton après qu'il l'ait salement trompée avec Aldeberte,
et qu'il est donc inopportun de les décrire au chapitre 20 en train
de dîner chez belle-maman.
c) Une fois tout le premier jet achevé,
cocorico ! Vous pouvez vous accorder une minute
d'autosatisfaction bien méritée.
C'est-y pas mieux, les aminches, que de suer sang
et eau (oui, c'est justement le titre du volume 5 d'Élie et
l'Apocalypse – auquel je m'attaque 2 ans après la ponte du volume 4,
honte sur moi) pour accoucher aux forceps d'un chapitre supposé abouti, et de mettre un mois à s'en remettre ?
d) Yapuka passer aux corrections et à ce que j'appelle « autoréécriture ». Les retouches, quoi. Et là, vous pourrez
prendre tout votre temps sans culpabiliser : votre livre, il
est écrit.
Point d'impatience, donc, ni de frustration. Place au
vieillissement en fût de chêne, aux remaniements et re-remaniements après mûre réflexion,
voire aux longues pauses entre deux relectures. Rien ne presse, au contraire. Le manuscrit est passé du
dossier « projets » au dossier « finition »,
c'est rudement bon pour le moral, vous ne trouvez pas ?
L'avantage n° 5, c'est que j'ai pu rassurer mes lecteurs, qui devaient commencer à se dire que je ne bouclerais jamais cette fichue saga.
L'avantage n° 5, c'est que j'ai pu rassurer mes lecteurs, qui devaient commencer à se dire que je ne bouclerais jamais cette fichue saga.
Deuxième cas : plus général (auteurs débutants ou non).
Avantage n° 1 : Le NaNo est un fameux
remède contre l'angoisse de la page blanche. Mieux que les
anxiolytiques, ça c'est sûr !
Il vous apprendra à foncer dans le
tas, et vienne que pourra. Le résultat ne sera peut-être pas le
prochain Goncourt, mais tant pis. Surtout qu'être acheté « parce
que c'est le Goncourt » et finir à la cave sous cellophane
d'origine, bof.
En tout cas, vous aurez découvert que l'écriture,
c'est comme l'appétit : l'inspiration vient en écrivant. Plus
on écrit, plus c'est facile, et (en général) meilleur c'est.
Désormais, quand vous voudrez écrire, vous saurez qu'il suffit de
s'y mettre. Capito ?
Avantage n° 2 : Vous vous rendez
compte qu'écrire autant, tous les jours, c'est possible (bis).
Eh
oui, sans vous en rendre compte, vous étiez un marathonien de
l'écriture, capable de rendre votre copie sans barguigner.
Plus
d'excuses pour écrire timidement à la petite semaine ou pour vous
demander, tout tremblant « serai-je jamais capable de devenir
un auteur ? »
Avantage n° 3 : C'est en écrivant
qu'on devient écriveron. Pas écrivain, ce serait trop facile. Mais
au moins, qu'on forge sa capacité à traduire des idées en mots, à raconter des histoires.
Même si ce que vous aurez écrit pendant ce
mois de novembre, vous devez le balancer à la poubelle parce que c'est trop nul,
dites-vous bien que le seul moyen de devenir auteur, c'est de
« pisser de la copie », comme on dit des journaleux ; d'acquérir
une discipline de travail, d'apprendre à ne pas vous disperser ;
de cracher des lignes tant et plus, jusqu'à ce que ça coule de source…
À CONDITION de ne pas en rester
au stade du premier jet et d'être prêt à consacrer dix fois plus de temps au
peaufinage, si nécessaire.
Avantage n° 4 : vous faites peut-être
partie des auteurs autoédités qui veulent juste écrire pour
écrire, sans se soucier de la qualité du résultat.
Soit parce qu'ils n'ont pas l'intention de publier
(et ça se respecte : l'écriture a toutes sortes de vertus sur
les plans du développement personnel, de la thérapie et autres,
sans même parler des textes que l'on ne souhaite partager qu'avec ses
proches).
Soit parce qu'ils revendiquent le droit de publier
des textes inaboutis. Je viens encore de lire une déclaration
solennelle sur la noble spontanéité des textes écrits comme ça
vient, sans souci de ces encroupionnages de mouches ringards que sont
l'orthographe et la syntaxe, sans parler de la cohérence, etc. (Je cite, ou presque).
Si c'est le cas – et je trouve cela
vraiment dommage, comme chacun sait –, eh bien, à la fin du
mois de novembre, youpi, vous aurez rempli votre mission :
pondre un livre à l'état brut. Champagne ! Oh, pardon aux
militants de l'inabouti : le champagne est un produit fini, donc
ringard. Disons plutôt : eau de source. Santé !
Remarques
• Le NaNo est un outil, pas un contrat à honorer.
Il n'est pas fait pour vous mettre la pression, mais pour vous encourager à vous fixer des objectifs. Que vous les remplissiez ou pas n'est qu'une affaire entre vous et… vous.
Dans cet esprit, le compte final de 50 000 mots n'est en rien une obligation. Si vous avez bouclé le premier jet de votre ouvrage en 20 000 mots, rien ne vous oblige à en écrire davantage.
De même, si vous n'écrivez pas 1666 mots par jour, ou si vous sautez un jour (comme je l'ai fait aujourd'hui pour écrire ce billet, et le ferai encore mercredi pour cause d'hôpital), quelle importance ? La psychorigidité ne donne rien de bon en écriture.
• Je n'ai pas fait état de l'ambiance, des soutiens, des forums, etc. Tout cela pourra sans doute aider certains auteurs. Personnellement, j'ai plutôt pris le NaNo comme une obligation que je me suis donnée à moi-même.
• Bien entendu, le NaNo ne prône pas l'écriture express de romans inaboutis. 😀Les organisateurs invitent d'ailleurs les participants à rallier en janvier et février un nouveau défi : finaliser leur premier jet. Là, je vous le dis tout net, je suis plus sceptique. La phase de peaufinage, cela ne doit pas avoir de dead line – en tout cas, pas si courte.
• Il n'est pas non plus question de se laisser aller à mettre vingt mots là où cinq suffiraient, dans le seul but de « faire du chiffre ». L'objectif n'est pas l'emphase littéraire, mais, je le répète, le bouclage d'un premier jet.
• Un fil facebook saturé par des proclamations d'auteurs « j'ai écrit tant de mots aujourd'hui !… » peut sans doute agacer. Je ne me joindrai pas aux critiques, car je comprends très bien, pour l'avoir fait aussi, que l'on ait envie de publier sa performance du jour comme… une poule qui chante, toute à la joie d'avoir pondu son œuf ! 😉
• Ce dont il faut se souvenir, c'est que les grands auteurs du passé comme du présent avaient/ont une discipline de travail : s'asseoir à leur bureau et écrire quoi qu'il arrive. Cela, c'est un bon réflexe à acquérir pour les débutants, qui pourraient avoir tendance à attendre l'inspiration. Et pour les vieux routiers aussi, j'en suis la preuve.
Remarques
• Le NaNo est un outil, pas un contrat à honorer.
Il n'est pas fait pour vous mettre la pression, mais pour vous encourager à vous fixer des objectifs. Que vous les remplissiez ou pas n'est qu'une affaire entre vous et… vous.
Dans cet esprit, le compte final de 50 000 mots n'est en rien une obligation. Si vous avez bouclé le premier jet de votre ouvrage en 20 000 mots, rien ne vous oblige à en écrire davantage.
De même, si vous n'écrivez pas 1666 mots par jour, ou si vous sautez un jour (comme je l'ai fait aujourd'hui pour écrire ce billet, et le ferai encore mercredi pour cause d'hôpital), quelle importance ? La psychorigidité ne donne rien de bon en écriture.
• Je n'ai pas fait état de l'ambiance, des soutiens, des forums, etc. Tout cela pourra sans doute aider certains auteurs. Personnellement, j'ai plutôt pris le NaNo comme une obligation que je me suis donnée à moi-même.
• Bien entendu, le NaNo ne prône pas l'écriture express de romans inaboutis. 😀Les organisateurs invitent d'ailleurs les participants à rallier en janvier et février un nouveau défi : finaliser leur premier jet. Là, je vous le dis tout net, je suis plus sceptique. La phase de peaufinage, cela ne doit pas avoir de dead line – en tout cas, pas si courte.
• Il n'est pas non plus question de se laisser aller à mettre vingt mots là où cinq suffiraient, dans le seul but de « faire du chiffre ». L'objectif n'est pas l'emphase littéraire, mais, je le répète, le bouclage d'un premier jet.
• Un fil facebook saturé par des proclamations d'auteurs « j'ai écrit tant de mots aujourd'hui !… » peut sans doute agacer. Je ne me joindrai pas aux critiques, car je comprends très bien, pour l'avoir fait aussi, que l'on ait envie de publier sa performance du jour comme… une poule qui chante, toute à la joie d'avoir pondu son œuf ! 😉
• Ce dont il faut se souvenir, c'est que les grands auteurs du passé comme du présent avaient/ont une discipline de travail : s'asseoir à leur bureau et écrire quoi qu'il arrive. Cela, c'est un bon réflexe à acquérir pour les débutants, qui pourraient avoir tendance à attendre l'inspiration. Et pour les vieux routiers aussi, j'en suis la preuve.
Qu'est-ce que le Nano ne
fera pas pour vous ?
La réponse est simple : vous inoculer le
talent.
Oui, navrée de faire pleurer dans les chaumières, mais le talent n'est pas un droit inscrit dans la Constitution.
Oui, navrée de faire pleurer dans les chaumières, mais le talent n'est pas un droit inscrit dans la Constitution.
Ce n'est pas non plus quelque chose qu'on acquiert
forcément avec le travail, hélas non.
Mais une chose est sûre : sans travail, pas
de talent. Le génie qui pond un chef-d'œuvre presque par mégarde,
tout en lutinant sa voisine ou en promenant son chien, mon œil !
Un livre réussi, c'est 10 % de talent
et 90 % de travail. Alors…
… Alors, tentez l'expérience du NaNoWriMo
si cela vous chante, contentez-vous de vous auto-imposer une
discipline d'écriture, ou continuez à faire comme vous faites
d'habitude/aimez/pouvez (rayer la mention inutile) en vouant aux
gémonies les challenges d'écriture, ces diaboliques incitations à
la surenchère quantitative. Je plaisante ! Sur ce dernier
point, je vous renvoie à l'excellent article de Nila Kazar et à ses commentaires, non moins intéressants.
Peu importe ce que vous déciderez, au fond, du moment que vous vous amusez et que vous prenez du plaisir en tant qu'auteur ou aspirant auteur. Oui, même ceux qui se refusent catégoriquement à peaufiner, et que je flagelle en place publique chaque fois que l'occasion m'en est donnée. 😈
Comme il me semble l'avoir écrit dans un
précédent billet, l'important reste d'écrire, écrire, écrire…
Chacun à sa manière et comme il l'entend.
Excellent travail à toutes et à tous !